Paster Noster qui es in caelis
Il est né le divin enfant ! Rien que le début sonne comme une blague, et pourtant pour Gabriel ceci n'a rien de comique vous pouvez me croire.
Vous l'auriez compris il est né un 25 Décembre, de l'année 1900, ce qui a été pour sa famille irlandaise purement catholique un grand signe. Une naissance qui aurait pu être banale si le nourrisson n'avait pas eu une paire d'ailes, comparable aux anges, renforçant l'idée du divin et lui offrant par la même occasion son prénom. On en connaît aucunement la cause, il est né comme ça tout simplement.
Déjà à l'époque on vient le voir dans le but d'un miracle, de différentes natures, ou même être témoin d'un signe quelconque. Une attraction avant l'heure on peut dire, où les rumeurs fusaient déjà sur le fait qu'il arrivait que des bonnes choses et qu'il fût un cadeau des cieux. Grosses foutaises si on demande l'avis de Gabriel, il ne s'est jamais rien passé de magique ou de toute autre intervention.
Sanctificetur nomen tuum
Forcément en grandissant l'école religieuse s'est imposée dès le début, au point de le confiner dans cette atmosphère pieuse rythmée par les prières. Les chants et les textes en latin, il a dû les apprendre par cœur, le tout dans un climat affreusement aseptisé. Hors de question de se mêler aux autres, ils pourraient pervertir. Autant dire que les premières années de son enfance furent horriblement longues, laborieuses, et solitaires.
Tout ce qu'il souhaitait de son côté c'était uniquement jouer avec d'autres enfants de son âge, pouvoir sauter dans les flaques d'eau et tout ce qui semblait tout aussi amusement. Être traité normalement, juste comme l'enfant qu'il était et non pas un soi-disant être supérieur.
Et dimitte nobis debita nostra
Gabriel se montra d'une froideur exacerbée au fil du temps, tout ce qu'il réclamait c'était un vent de liberté. Cet enseignement ne donnait aucune satisfaction, le personnel apparaissait à ses yeux comme tellement faux et voulant tirer avantage de ce qu'il était pour eux.
Un jour il a décidé que si ses ailes étaient le problème, il n'avait qu'à les supprimer pour que tout rentre dans l'ordre et devienne normal. Avec des ciseaux il a commencé à essayer d’entamer la chaire, malgré la douleur et les pleurs il a continué, ne pouvant retenir des cris.
On l'a bien vite arrêté dans son entreprise, ne pouvant y voir que la vile tentation du malin dans cet acte, les ailes complètement en sang.
Semaines de convalescences obligatoires, entachées par d’innombrables cours intensifs sur la notion du Bien et du Mal. Il en est venu à tous les haïr, eux et leurs stupides dogmes.
Et ne nos inducas in tentationem
Une fois sur pied il est rentré en phase de rébellion, plus question d'être un mouton qui mange du foin sans se poser aucune question, il allait vivre sa vie un point c'est tout.
Fugues à répétition, boissons, tabacs, et autres. Si l'enfant qu'il avait été représentait le jour, le jeune homme qu'il était en train de devenir était la nuit sombre.
Une vie de liberté pour Gabriel, couronnée de nombreuses punitions diverses par les autorités ecclésiastiques qui avaient toujours eu mains mises sur lui. C'était le problème, tant qu'ils seraient là il ne pourrait jamais être ce qu'il souhaitait être.
C'est vers vingt-deux ans, lors d'une de ses escapades qu'il découvrit le cirque de Mr Todd. Un lieu si attirant, si différent de ce qu'il avait connu jusque-là, presque une terre promise.
Le maître lui proposa un travail en le voyant, il serait la touche de divin et mysticisme, l'ange qui rassemble les pauvres brebis égarées autour de lui. Tant que c'était pour partir d'ici et vivre comme bon lui semble Gabriel aurait accepté n'importe quoi, et c'est ce qu'il fit.
Amen...
Ceci fait une dizaine d'années qu'il travaille au cirque en tant que The Angel. Un faux sourire de façade, des paroles réconfortantes voire mêmes des bénédictions factices à offrir aux spectateurs.
Pourtant ceux qui sont avec lui au cirque le savent : Gabriel est tout sauf un ange.