Le fil est tendu devant moi et la flamme brille entre mes mains, consommant la mèche tressée et faisant fondre la cire. Je regarde le sol une dernière fois sous moi, je peux voir l'angoisse poindre dans les yeux des spectateurs alors que je pose un premier pied sur la corde. Mon souffle est calme, c'est le plus important, je ferme les yeux et cette fois ça commence, le fil n'est plus un fil, mais un parquet sur lequel je peux me permettre de danser comme ces enfants de riches dans les écoles de danse, dessinant au sommet du chapiteau la silhouette endiablée de Lucifer, ma danse folle s'achève alors que j'atteins le ponton. Je peux, depuis mon perchoir, entendre leur soupire de soulagement, entendre leur cœurs recommencer à battre. Je sais que ce n'est pas vraiment mon oreille qui me dit cela mais un sentiment global. Pour moi ce soir, le spectacle est fini, c'était mon dernier numéro et c'est en empruntant un trapèze que je regagne le sol, ne retenant pas une énième pirouette. J'ai loupé mon atterrissage mais personne dans le public ne semble l'avoir remarqué, c'est le principal.
Marchant parmi les caravane, c'est en croisant un regard inconnu que je baisse les yeux, sans doute un spectateur curieux, je m'en éloigne par habitude et lève les yeux vers le ciel étoilé. Mettant ma bougie devant mon chant de vision, je dessine une étoile filante, ferme les yeux : Je fais un vœu, du moins c'est là mon idée, mais quel vœu faire ? Je ne connais que le cirque.

Les brèches d'une autre vie me vienne alors à l'esprit, il faisait froid, la neige tombait dans la nuit et dans les rues de Londres, vêtue du peu que les Hommes, dans leur générosité, avaient bien voulu me donner, je marchais, pieds nus, cherchant à me mettre quelque chose sous la dent, cela faisait trop longtemps que je n'avais rien avalé autre que de la neige. C'est alors que j'avais aperçu une lueur dans le ciel : Une étoile entre les nuages ? Non... Une bougie allumée et laissée là, sur le bord d'une fenêtre. Pour l'atteindre il me faudrait monter le mur, un mur trop lisse pour que même dans le désespoir je ne me risque à l'escalader alors qu'il était relié par un cordon au mur d'en face, qui lui serait bien plus simple à arpenter. J'avais commencé ainsi mon ascension, me hissant jusqu'à là corde que j'avais saisi bientôt dans mes mains d'enfant de 12 ans. Je commença à traverser la rue d'en haut, la tête à l'envers, mais cela ne me suffirait pas à atteindre la fenêtre, me retournant dans une roulade autour de la corde, je me mis sur la pointe des pieds sur la corde. Je parvins enfin à me saisir de mon butin, regagna le sol bien plus vite que je ne l'avais quitté et m'éloigna pour le déguster, courant dans les rues ma bougie à la main.
La cire avait un goût âcre, mais au moins j'avais quelque chose en bouche et avec un peu d'imagination, elle devenait le meilleure des festins. Puis la flamme que j'avais laissé allumée me réchauffait un peu.
Je n'avais pas tout de suite remarqué l'étrange silhouette se trouvant face à moi, trop occupée à savourer mon repas. C'est en relevant le menton pour chasser mes cheveux en arrière que je l'avait vue. Son propriétaire m'observait et je fut prise d'une peur sans pareille, pas que la prison me fasse peur, on y était au chaud m'avait-on dis. C'était son regard si intrusif qui m'effrayait, il semblait lire en moi.
Je l'avais appris peu après, cet homme s'appelait Monsieur Todd. Il m'avait demandé mon nom. J'avais été dans l'incapacité de lui répondre. Mais je lui avait montré mon poignet sur lequel était comme gravé mon prénom, cela on me l'avait un jour dis sans que je ne m'en souvienne. Je ne me souviens que d'une profonde douleur a sujet de cette marque... "Agnes" avait déchiffré l'étranger. « Agnes of Blackness » avait-il déclaré.

Ce qu'il m'avait proposé ? Un toit, une famille, la certitude de tout au moins survivre. Et j'avais accepté.