Des couleurs éclatent un peu partout. À gauche, à droite, du rouge, du bleu, du jaune, du vert, un peu d'orange ici et là, une vraie fête. De ses yeux absents et vides, elle regarde le grand chapiteau. Il est là, grand et majestueux. Il s'élève là tel un immense gâteau au chocolat derrière une vitrine d'une pâtisserie pour les bourgeois amateurs de sucre. Non loin de là, des clowns loufoques, inquiétants mais pourtant si intrigants viennent de faire pleurer un bambin. Ce n'était pas de mauvais clowns, d'autres ont rient de leurs blagues avant cet enfant, mais celui-là était particulièrement peureux. Tellement qu'il vient de courir en la direction opposée du chapiteau. C'est un comportement que Bonnie ne comprend pas. Pourquoi fuir un endroit aussi unique ? Pourquoi avoir peur d'abord ? L'empathie n'a jamais été la force de la brunette et jamais ce le sera. Elle n'arrive pas à concevoir le sentiment de la peur et de l'angoisse. Elle l'a déjà ressentie à une époque mais cela, elle l'a oubliée pour ne plus jamais le revivre auparavant. Pour elle, les clowns ne sont que des humains couverts de maquillage qui font des blagues. Tous les humains font des blagues une fois de temps à autre, certaines moins drôles que d'autres, alors pourquoi avoir peur maintenant ? Bref, elle détourne le regard de ces gens, lentement pour contempler le reste du paysage. Quelques amuseurs publics par-ci, quelques visiteurs par là. Bonnie n'était pas habituée à voir autant d'humains se promener partout, avec une gamme d'émotions aussi diverses. Les gens sont plutôt froids dans la rue, aux yeux de la demoiselle. Cependant, dans cette immense foire, la diversité se fait encore plus sentir. Peur, joie, malaise, timidité, allégresse, sans compter la vanité et l'excentricité de certains forains. C'est fascinant. Néanmoins, malgré son grand intérêt, Bonnie garde une expression faciale glaciale. Comme si rien n'était, qu'elle était complètement insensible à cet immense spectacle qui s'offre à elle tel un cadeau offert par le bon Dieu. La vérité est tout autre... Puis, inévitablement, c'était son tour. Elle pouvait entrer dans le grand chapiteau...

Quelle démonstration ! Les visiteurs applaudissent les monstres, les stars, les magiciens, les clowns et les acrobates dans une euphorie incroyable. C'est presque mystique, la jeune fille applaudie mécaniquement avec un sourire en coin, chose extrêmement rare pour cette personne aussi peu expressive. Malheureusement, la représentation est déjà terminée. Par conséquent, elle devait retourner au foyer, dans la monotonie absolue. Après tout, comment pouvons-nous comparer le Dark Circus à la tranquille maison où elle vivait ? Au fond, qui peut bien réellement l'attendre au domicile, à part ses parents qui l'indiffèrent profondément et peut-être son prétendant comparable à une pieuvre tellement qu'il est envahissant. Rien de bien reluisant, ce n'est pas comme ici, là où tout est à découvrir. Bonnie voulait rester. C'était l'une de ces gamines qui désirait vivre encore et encore les expériences agréables qu'elle a vécues en cette journée, sans considérer les responsabilités, les limites et le raisonnable. Finalement, elle est la dernière à sortir du chapiteau parmi les visiteurs, on l'invite à sortir mais elle refuse. La demoiselle veut discuter avec Maître Todd.

Après trois jours d'attente, Bonnie a eu la chance de se faire accorder un entretient d'embauche.

- Bonnie Fish, enchantée de vous rencontrer. Je suis heureuse que vous ayez accepté de me recevoir pour cet entretien d'embauche. Je cherche un travail depuis un moment, une vocation, une profession, quelque chose qui s'en rapproche. Je m'ennuie beaucoup, je cherche à découvrir de nouveaux horizons et à m'investir. Des compétences ? Hm, j'ai toujours pensé que je ne possédais pas de talents particuliers. Ce n'est pas rayonnant pour une demande d'emploi, je le conçois mais je suis impatiente d'apprendre. J'assimile rapidement... Quoi vous voulez que je vous raconte une blague ? Ce n'est pas ma tasse de thé, on dit souvent que je ne sais pas rire et faire rire. Je ne suis pas drôle, je suis ennuyante, ce n'est pas ma force... Vous insistez ? D'accord euh... Une femme accouche d'un bébé, le médecin prend le bébé, l'écrase, le scalpe et le lance par la fenêtre. La femme panique et demande au médecin pourquoi il a fait ça. Le médecin rit en disant : c'est une blague, l'enfant était déjà mort. Haha. Vous voyez ? J'ai entendu ça quelque part et ce n'est même pas drôle. C'est morbide. S'il vous plait, je peux m'occuper d'un stand si vous voulez, de n'importe quoi, je désire avoir un emploi, mais si c'est pour mal le faire... Ah bon ? On manque de clowns en ce moment ? Je suis désolé, je ne suis pas sûre avoir les qualités pour assumer un tel rôle. J'ai peu d'expérience. Vous êtes sérieux ? Vous pensez que je pourrais très bien être un clown ? Permettez-moi d'en douter un peu. Si je veux vraiment un poste ? Bien sûr, mais pour être tout à fait honnête avec vous, je ne m'attendais pas à ce qu'on m'offre une telle opportunité... Hm ? Je n'ai pas le choix ? C'est ironique. Surprenant même. Agréablement surprenant. Pourquoi pas ? Hahahaha, hihihi, hohoho... Quoi c'était pathétique comme rire ? Zut. Je suis engagé quand même ? Hourra. Oh un contrat ! Où est-ce que je signe ? Oh, il faut tout suivre au pied de la lettre ? Hahahaha ? L'absence d'une part de mes libertés ne me gêne pas, m'sieur Todd. J'étais déjà condamné à être enfermé dans un mariage gris avec un pseudo bon fiancé qui ne me comprend en rien, je préfère sceller mon destin moi-même. Bon, j'ai signé. Quand est-ce que je commence ?

Bonnie sourit au Maître Todd, c'est le début d'une toute nouvelle aventure qui sera sans doute beaucoup plus intéressante que son ancienne vie. Être forcé de se marier à un idiot, ce n'est pas une perspective d'avenir digne d'intérêt. Maintenant, un nouveau destin lui est offert sur un plateau, aux couleurs du chapiteau et de ses fanfarons.