Matin de brume sur Londres. Un cri déchire le silence... Je viens de naitre, et avec moi nait le printemps 1909. Il fait froid pour la saison, surtout dans la petite roulotte familiale, mais qu'importe je me réchauffe en m'accrochant au sein maternel. Dans un coin se tient Lucian Archer mon frère qui me regarde comme si j'étais un cadeau envoyé par les anges, enfin il ne sera plus seul ! Sa présence est des plus importante pour le reste de l'histoire, car si pour l'instant je suis encore dans les bras de ma mère, je ne vais pas  y rester longtemps. Il faut dire que maman n'a pas le temps de s'occuper de moi, elle doit toujours travailler. Alors Lucian du haut de ses cinq ans veille sur moi comme un dragon garde son trésor. C'est lui qui m'a rattrapé quand je faisait mes premiers pas mal assurés, c'est encore lui qui me consolait la nuit quand les ombres devenaient effrayante à mes yeux d'enfant, c'est lui encore qui s'est ébahi de mes premiers mots. Il était mon roc, j'étais sa merveille. Maman ? Mais qui est maman ? Certainement la dame un peu bizarre qui nous donne à manger de temps en temps. Du moins quand elle y pense. Et papa ? Je ne sais pas, Lucian non plus et maman encore moins. C'est que de nombreux hommes défilent dans sa couche alors pour savoir lequel est notre géniteur... Ce qui est sur est que nous n'avons pas le même, nos patronyme témoignent de cette différence, mais cela ne signifie rien à nos yeux d'enfants, nous sommes déjà seul contre le monde, quelque soit les noms que notre mère a pu imaginer pour nous. Un jour peut-être quand maman emmènera un homme dans sa roulotte pour s'offrir à lui je me reconnaitrais dans les traits d'un de ses clients, mais à quoi bon ? Quel homme de notre époque serait assez fou pour avoir envie de reconnaître le bâtard qu'il a eu avec une prostituée dans les bas-fonds de la capitale ? Et puis si je pars avec mon papa je ne verrais plus Lucian, alors autant qu'il n'y ai pas de papa, comme dirait les adultes, c'est un mal pour un bien.

L'enfance et l'innocence... Deux concepts que je maitrise mal, surement parce que pour nous l'histoire du soir a été remplacée par une vision d'horreur. Cachés dans un coin de la roulotte nous assistions à ce spectacle immonde et répugnant qu'est la prostitution. Et même si je ne comprenais pas, je voyais bien ces hommes se transformer en animaux pour grimper sur ma mère. Elle ne pleurait jamais, mais ses yeux étaient complètement mort, elle me faisait penser à ses poupées de cire que l'on voit dans les magasins des beaux quartiers. C'est surement pour cela que je n'ai jamais rêvé d'en posséder une. Très vite l'air nauséabond et l'étroitesse de la roulotte ne nous on plus suffit alors Lucian et moi sommes partis à l'aventure. J'étais un véritable petit singe, j'aimais grimper partout et me suspendre en hauteur ce qui faisait beaucoup rire le monde. Lucian lui était fasciné par le feu. Nous avons connu des petits ratés, j'ai collectionné les bleus et lui les marques de brûlures et pourtant nous étions obstinés, comme si nous avions cela dans le sang. Nous étions les deux petits monstres de foire du quartier, quand les autres se courraient après je grimpais aux arbres pour me suspendre la tête en bas. Déjà petit je n'avais peur de rien, du moins à partir du moment ou mes pieds ne touchaient plus le sol, et ma souplesse d'enfant m'aidait à réaliser des figures toujours plus osé, il n'y avait que Lucian pour avoir peur que je me rompe le cou. Maman n'était même pas amusé par nos jeux, elle s'en moquait bien. Nous ? Ça nous permettait de récolter quelques toutes petites pièces, mais surtout je m'évadais car le monde n'est plus du tout le même quand on le regarde la tête en bas ou du toi d'une roulotte. Je m'inventais funambule et tout n'était plus qu'un prétexte pour faire une acrobatie de plus. Bien sur il y a eu des ratés, bien sur l'apprentissage à été difficile, pourtant je n'aurais arrêté pour rien au monde car cette attitude était ce qui nous distinguait des autres et nous laissait entrevoir un avenir différent. À cette époque j'avais encore des rêves et des espoirs. Quelle sotte je faisais.

Maman nous regardait pas, elle se contentait de constater que nous étions toujours en vie quand nous rentrions le soir. Les bleus et les brûlures ne l'inquiétaient guère. C'était surement parce que maman était un peu bizarre. Certains disait qu'elle était folle. Moi je ne la trouvais pas folle ni bizarre, même si parfois elle se prostrait dans un coin de la roulotte. Je crois que j'ai vraiment commencé à avoir peur le jour ou elle a eu des convulsions. Mais maman disait que tout allait bien, alors je n'allait pas discuter avec elle, de toute façon maman décidait toujours qui avait tort ou qui avait raison alors si elle disait quelque chose il fallait se ranger à son avis. Alors je surveillais Lucian pour être sure que lui n'avais pas de comportement bizarre, heureusement, il n'y avait que maman qui était touchée par ce mal étrange. Plus je grandissais plus maman avait mal à la tête, elle avait parfois du mal à bouger les mains et les pieds, elle travaillait moins aussi maman. Alors le gruau était de plus en plus clair et le pains était toujours plus noir et plus rassis. Maman disait que ça allait mieux, mais on avait appris à ne pas la croire maman, elle disait des bêtises parce qu'elle pensait qu'on ne comprenait pas. C'est étrange au fond elle ne nous connaissait pas bien maman. Mais qu'importe de toute façon maman est partie. Elle est morte quand j'ai eu sept ans. Le médecin qui est venu la voir a dit qu'on aurait rien pu faire et il a grogner quelque chose dans sa barbe au sujet de la syphilis... Comme si on savait ce qu'était la syphilis. Un prêtre est venu... Il fallait quand même bien lui donner l'extrême onction. S'il y a un Dieu quelque part je doute que maman ai pu le trouver parce qu'elle ne disait jamais du bien de lui et n'utilisait son nom que pour jurer, mais ça faisait plaisir au prêtre d'être là. J'aurais du me méfier de lui, il avait l'air louche ce prêtre, et à peine maman a-t'elle été froide qu'il m'a prise avec lui pour m'emmener dans un couvent sous prétexte que ce serait mieux pour moi. Ce prête de mes deux m'a arraché à mon frère et m'a exilé dans le nord de l'Angleterre dans un endroit triste et austère sans personne pour m'aimer. De toute ma vie je n'ai jamais autant détester quelqu'un... Heureusement qu'il est mort depuis sinon je me serais fendue d'une petite visite qui n'aurait rien eu de courtoise.

L'Église c'est pas drôle... Mes camarades de classes étaient pourtant comme moi, des filles de prostituées ou de bonnes qui c'étaient faite engrossées par leurs maîtres. Nous étions au royaume des bâtardes et j'aurais pu être reine, mais j'ai finis martyre. Aigries par leurs vies misérables, enfermées depuis leur plus jeune âge dans les murs de cette prison, les filles qui me côtoyaient c'étaient transformées en véritable pestes. Du haut de mes sept ans j'ai tenu bon et jamais je n'ai plié. La froideur de ma cellule ne m'a pas brisé, ni les coups, ni les humiliations, ni les punitions ne sont venus à bout de moi. Rien ne pouvait m'atteindre car je savais que par delà ces murs il y avait Lucian. Pour l'ensemble des filles il n'y avait plus que les murs du couvent et Jésus. Pour moi il y avait quelqu'un dehors, quelqu'un qui ne pouvait pas m'abandonner. Et qu'importe le temps que cela lui prendrait je restais convaincue qu'il me sortirais de cet Enfer. Finit les acrobaties, les sœurs me maintenaient les deux pieds fermement au sol et j'étais plus malheureuse que les pierres. Malgré tout elles ne pouvaient pas me prendre mes rêves tout comme elles ne pouvaient enchainer mon imagination. Je m'imaginais transformée en rossignol, volant au dessus des étendues vertes, volant tout droit jusqu'à Londres et survolant la ville à la recherche de la seule personne que j'ai jamais aimé. Le Christ dans tout ça ? Il ne m'a jamais illuminé de sa grâce et les années passées à son services n'ont été que faux-semblants. Comment un Dieu miséricordieux pouvait il me faire ça ? J’abjurais la religion et riais au nez des textes sacrés. J'étais véritablement le vilain petit canard de la maison et je passais de ce fait le plus clair de mon temps seule à faire les corvées que m'imposait la mère supérieure. Après près de sept ans passées à ressasser mes espoirs je commençais à douter de la venue de Lucian, heureusement pour moi les tours du couvent étaient assez haute pour me laisser le possibilité de m'échapper de cet endroit pour rejoindre le néant de la mort. Et puis Lucian est venu et j'ai retrouvé l'envie de vivre.

Sept longues années nous on arrachée l'un à l'autre et pourtant un soir il se tenait devant moi et sa main dans la mienne m'a emmené loin de tout ça, loin des filles, loin des sœurs, loin des heures de prières. Bien sur il a été plus que périlleux pour nous deux de nous enfuir, mais le jeu en valait la chandelle. Les débuts à deux ont été durs, il a fallut se réhabituer à l'autre, s'apprivoiser et se dompter... Et évidemment il a fallut faire profil bas pendant un moment, il faut dire que ce que je voyais comme un sauvetage héroïque était considéré par le commun des mortel comme un sauvage et violent enlèvement. Alors il fallait être discret pour ne pas se faire prendre, le temps que les gens oublient, le temps que nous soyons suffisamment couverts de boue pour passer inaperçus. Les deux premières années on été loin d'être agréable. Le froid, la faim, la fatigue et l'inconfort était notre lot quotidien. Cela importait peu du moment que plus rien ne nous séparait, mais certaines nuits passées dans la rue ont été plus difficiles à vivre que d'autres. Bien plus même. Tous les deux nous avons retrouver notre passion, il a repris ses jeux avec le feu et moi mes acrobaties. Après sept longues années à n'avoir pratiquement pas pratiqué nos art, nos corps étaient quelque peu rouillés. Et tombé de toute ma hauteur était plus douloureux que quand j'étais petite, pourtant rien n'aurait pu me faire arrêter. Et surtout c'était l'un de nos seul moyens de gagner de l'argent. Ça et les menus larcins de Lucian bien sur. On aurait pu gagner bien plus en se prostituant on le savait bien. Cela aurait été à l'encontre du pacte que nous avons fait lorsque nous nous sommes retrouvés... Nous avions vu notre mère s'offrir à des inconnus pour quelques shillings, il était hors de question de s'abaisser à ce niveau. Et puis un jour il est venu à nous. Je l'avais déjà repéré, il était venu plusieurs fois nous voir et certes j'avais des admirateurs mais il ne ressemblait pas à tous ces vieux libidineux. Non lui il nous a pris sous son aile, il se prénommait Vitos et il a été le premier maitre de cirque à nous embaucher.

Vitos m'a fait découvrir l'art noble du cerceau, et j'ai excellé. D'abord parce que j'aime cette sensation, cette impression de voler, ensuite parce que je suis atteinte d'un trouble obsessionnel compulsif qui me force à recommencer mes figures jusqu'à les maitriser parfaitement. Vitos a été le père que j'aurais pu rêvé, il m'a donner des ailes et mon nom de scène The Nightingale. Il a également transformé Lucian en artiste merveilleux, il nous a appris à charmé notre public en osant des figures toujours plus risquées. Je sais bien que cela inquiète Lucian, mais le public vient principalement pour voir si je me casserais la nuque ou si un soir de plus je parviendrais à défier la mort. Au sein du cirque nous avons parcouru l'Europe, la vie n'était pas vraiment plus confortable que dans la rue, mais au moins notre pain était assuré et nous avions un toit au dessus de nos tête. Après tout l'important n'était pas de mener grand train mais de rester tous les deux. Lucian et moi, à nous deux nous tournions plus vite que ce monde de fous. Le répit offert par Vitos a été relativement long. Huit années durant nous avons été par monts et par vaux, rencontrant des artiste de tout type et de toute nationalité. Et puis un jour... Un jour Vitos est mort lui aussi. Et si lui nous avait pris sous son aile nous ne faisions pas l'unanimité dans notre cirque, alors on nous a gentiment remercié et une fois de plus nous nous retrouvions sur la route mon frère et moi. Une longue année à errer de cirque en cirque sans jamais trouver notre place. À l'époque une rumeur courrait sur un mystérieux cirque qui s'était installé à Londres. Si les gens n'avaient pas l'air d'en dire que du bien, Lucian et moi avons décider de prendre la route de notre bonne vieille capitale. Cette ville qui nous avait vu faire nos première figure allait redevenir notre territoire. Nous avons découvert le Dark Circus... Pas trop de questions posées que ce soit de notre côté ou du côté du patron et nous avions signé ce fameux contrat. Il ne nous laissait pas tellement de liberté, mais nous gardions la liberté d'être ensemble et rien ne comptait plus à nos yeux.