Dès le moment où ses grands yeux marrons du petit bébé oscillèrent sans jamais venir chercher le regard de ses parents, ils surent que quelque chose n’allait pas. On ne s’attend pas à ce qu’un bébé de quelques mois ne fasse quoi que ce soit et pourtant. Un simple regard, un simple sourire, un petit son. Il ne faisait rien de tout cela et ça n’allait pas. Aussi simplement que cela, l’amour naissant des parents pour leur enfant trébucha et disparu.
C’était sensé être une belle histoire pourtant. Un rêve qui se réalise, le début d’une joyeuse famille. Mais c’était plutôt le début d’une descente aux enfers pour Marie et Peter Daventry et le début de l’histoire de Thomas Daventry.

Marie et Peter n’en parlèrent pas en quittant l’hôpital, comme si se taire allait magiquement faire disparaître leurs soucis. Ils n’en parlèrent jamais et d’ailleurs, c’est à ce moment que le couple si parfait et si amoureux, cessa de se parler.
Ils se fichaient bien de savoir quel genre de maladie leur fils avait. Étaient-ils sensés se réjouir que le Syndrome d’Asperger n’était pas la forme la plus sévère d’autisme ? Non. Leur fils était cassé et ils ne l’avaient jamais voulu ainsi. C’était peut-être bien au final que Thomas ai du mal à garder un contact visuel et à reconnaître les émotions des gens, car il ne voyait pas l’immense déception et la honte qui s’allumaient dans le regard de ses parents à chaque fois qu’ils posaient les yeux sur lui.

Ils firent semblant bien longtemps, se raccrochant au rêve qu’ils avaient imaginé en s’installant dans cette petite maison d’Oxford. Jouant le couple aimant devant les voisins, le père de famille ravi de rentrer chez lui retrouver sa famille et la mère l'accueillant à bras ouvert, un fumet alléchant s’échappant de la cuisine. Et Thomas ? Oh on ne le voyait jamais, mais avec des parents comme ceux ci, il ne pouvait qu’être heureux non ?

Thomas avait une chambre. Bien décorée avec une grande fenêtre donnant sur le parc derrière la maison. Des jouets bien rangés dans un coffre, une jolie lampe de chevet pour le rassurer la nuit. Sa chambre était toujours propre, son lit toujours bien fait. Mais Thomas n’avait presque jamais passé de temps dans sa chambre.
C’est dans la cave que ses parents de jetaient dès qu’il faisait une crise de nerf, ne répondait pas quand on lui parlait ou osait refuser de manger quelque chose. Il pouvait hurler autant qu’il voulait et aussi fort qu’il voulait, se cogner la tête contre les murs et griffer son côté de la porte, personne ne l’entendraient et ne s’en soucierait. Les Daventry s’en était assurés. C’était là le seul moyen qu’ils avaient trouvé pour régler le problème, ou du moins le faire disparaître.

Thomas ne parlait quasiment pas. Il s'efforçait de répondre à ses parents du mieux possible pour éviter de les énerver, mais entendre sa voix et les mots peinant à sortir correctement semblait toujours les énerver néanmoins. Bien sûr, il ne sortait presque jamais et s’il jamais il croisait quelqu’un, sa mère était toujours prête à le tirer à l’intérieur avant que qui que ce soit ne remarque que quelque chose n’allait pas.
Recroquevillé au fond de sa cave presque jour et nuit, Thomas Daventry avait pour seul compagnon un ours en peluche qu’on lui avait offert à la naissance qu’il avait baptisé : Ours. C’est à sa peluche qu’il parlait le plus. Il avait commencé par frustration, se forçant lui même à développer ses capacités linguistiques. Puis avec le temps cela devint une habitude. Ours devint un confident puis doucement, un ami. Ours se mit à parler à Thomas pour le consoler et lui indiquer aussi qu’il ne s’appelait pas Ours mais que ce mot servait à désigner l’animal qu’il était sensé représenter. On l'appellerait Monsieur Ours donc.
Bien évidemment M.Ours ne parlait pas vraiment et n’était que le fruit de l’esprit du petit garçon esseulé. C’est à peu près à cette période que son talent de ventriloque se développa. Mais Thomas ne s’en rendit jamais vraiment compte car pour lui, M.Ours était bien plus réel que les ombres qui passaient dans la rue ou ses parents.

De ses parents, il ne retint que les mains qui venaient le tirer ou le gifler, les voix stridentes et hurlantes qui lui vrillaient les tympans, les pas affolés qui martelaient le sol au dessus de sa tête, les bracelets tintant et insupportables de sa mère, la cravate jamais droite de son père…
Même si le couple faisaient de leur mieux pour faire semblant et ignorer leur propre fils, il n’était pas rare que ce dernier les entendent se disputer derrière la porte de la cave. Tous les jours, même lorsque Thomas ne sortait pas de la journée, une dispute éclatait et le ton montait. Une routine bien morbide.
Mais un jour les disputes cessèrent. Le silence se fit derrière la porte. Les pas étaient moins nombreux, la cravate était partie. M.Ours expliqua à Thomas que les sons qu’il entendait était les pleurs de sa mère. Son père était partit avec une autre femme et un autre petit garçon. Un petit garçon qui fonctionnait mieux.

Il n’y eu plus de dispute mais c’était les crises de sanglots de sa mère qui chaque jour animait la maison. Thomas ne comprenait pas pourquoi elle faisait ça et pourquoi elle était triste. Lui ne l’était pas du tout. Au contraire, il remarqua qu’on l’envoyait beaucoup moins souvent dans la cave. Qu’on ne lui interdisait plus de se pencher à la fenêtre et qu’on le laissait organiser ses petits pois par teinte avant de les manger. Il n’allait toujours presque jamais dans sa chambre, mais c’était parce qu’il était plus habitué à la cave et M.Ours aussi.

Puis un jour : plus de cave, plus de maison, plus de bracelet tintants ou de pleurs. Plus de M.Ours. Thomas se réveilla seul dans une ruelle sombre de Londres à côté d’une benne à ordure.

Figé, perdu, terrifié, Thomas fut incapable de faire quoi que ce soit. Un jour passa avant que le froid, la faim, la peur et la confusion lui arrache sa première larme. Il n’aimait pas cet endroit, il voulait retourner dans la cave. Il voulait M.Ours. Pendant un deuxième jour Thomas pleura bruyamment sans que personne ne fasse plus que le dévisager d’un air de dégoût ou de pitié. Personne sauf…

- T’as fini de brailler comme un abruti fini ? Y en a qu’essayent de moisir en paix ici !

Une voix rauque, agressive et pourtant quelque peu chantante coupa net les sanglots du jeune homme. Thomas se recroquevilla sur lui-même, tremblant et faible, continuant de pleurer en silence.

- Euuh… C’est à ce moment que t’es sensé dire “Qui est là ?” ou “Y a quelqu’un ?” ou “AAAH une poupée qui parle !”

Thomas releva la tête et chercha brièvement autour de lui. Il ne vit que des tas de sac poubelles, des détritus, des bouteilles vides et la benne à ordure pleine à craquée. Pourtant il essuya ses larmes et renifla.

- Qui est là ?

- Nan ! Là maintenant t’es sensé dire “Une poupée ?!”.

- Une poupée ?

- Bon sang mon p’tit Tommy t’es vraiment un assisté d’la vie. grommela la voix rauque.

De sous la benne à ordure apparu alors une étrange silhouette. Un petit personnage en costume noir avec un noeud papillon rougeoyant. Des spirales envoûtantes se dessinaient sur ses joues pâles et dans ses yeux noirs brillaient des pupilles rouges. Il était quelque peu effrayant mais le bord de ses lèvres écarlates se relevaient en un fin sourire. Et un sourire, c’est bien non ?

- Moi c’est Jeffrey et t’sais quoi, pas la peine de dire quoi que ce soit. Je sais qui t’es p’tit Tommy. Je sais pourquoi t’es là.

- Pourquoi j’suis la ? répéta Thomas en tentant de se concentrer sur les paroles étrange de la petite marionnette.

- Ouai ! Je l’ai vu ta mère avec un autre gaillard. Elle est bien conservée ! Elle a dû en avoir marre de voir ta tête d’abruti et elle s’est dit qu’elle pouvait encore recommencer à zéro et faire un autre petit Tommy. Un peu moins abrutis.

- Un peu moins abrutis. fit-il écho une nouvelle fois, la mine un peu sombre en se rendant compte qu’il avait comprit.

- Ouai. Ben c’est pas comme si c’était difficile, hein. Aller bouge-toi j’ai la dalle. Dois bien y avoir des trucs mangeable dans ce tas de détritus. Mais juste pour ce soir hein. Demain je t’apprendrais quelques trucs et on pourra s’en payer des bonnes choses à manger.

C’est ainsi que Thomas fit la rencontre de l’étrange Jeffrey. Comme une sombre conscience, un instinct de survie cru, le petit personnage grognon et vulgaire fut le guide du jeune homme perdu dans les rues de Londres. Le poussant à fouiller dans les poubelles mais aussi dans la poche des gens, c’est grâce à lui que Thomas parvint à survivre plus longtemps.  Il n’aimait pas beaucoup Jeffrey, il le trouvait méchant et difficile à comprendre et pourtant il continuait de suivre ses ordres. Lorsqu’on voyait le jeune autiste manier avec tant d’adresse son effrayante marionnette, il était difficile de croire que dans l’esprit de Thomas, c’était Jeffrey le chef et lui l'exécutant.

Un soir alors que Thomas se faisait chasser à coup de balai d’un immeuble où il pensait avoir trouvé une cachette où passer discrètement la nuit, il se fit bousculer par une bande de gamin courant allègrement en riant. Jeffrey s’échoua dans une flaque de boue et s’en dépatouilla en poussant des jurons. Leur attention fut cependant attiré par la destination de la joyeuse bande de bambin. Dans la sombre et froide nuit, une étrange aura lumineuse et chaleureuse semblait briller au loin. Sa lumière étrangement envoûtante semblait effacer celles de la ville.

- Allons bon un putain de cirque ! Me dit pas que ça t’intéresse Timmy.

Mais Thomas ne l’écouta pas. Il écouta plutôt les échos lointain d’une étrange musique, des rires nasillards et des rugissements d’animaux. Comme envoûte, il n’avait qu’une idée en tête : y aller. Il avait froid, il avait faim, il avait peur et se sentait seul et quelque chose en lui lui dictait qu’il y trouverait tout ce qu’il souhaitait.

- Hm. T’as p’tet raison p’tit Tommy. Une bonne occasion pour faire les poches des touristes et grailler un peu d’la friandise. J’y trouverait ptêt’ de quoi rincer mon costard. Ben qu’est-ce que t’attends ! Bouge ton gros train !

Courant à pleine allure derrière Jeffrey, Thomas sentit une étrange euphorie le gagner. C’était la première fois qu’il souriait depuis que sa mère l’avait lâchement abandonné. Rejoignant le groupe d’enfant, il en oublia un instant tout ses soucis. Se pressant pour rentrer, il fut cependant vite arrêté par une grosse main.

- C’est 0.35 livres l’entrée gamin.

- 0.35 livres ? répéta Thomas, prit au dépourvu.

- Oui c’est ce que je viens de dire. 0.35 livres l’entrée.

- 0.35 livres pour tourner en rond dans votre camp de saltimbanques qui pue l’étron ?! Ha ! Vous vous mettez bien quand même ! Quoi ils bouffent que des pièces vos bestiaux ?

- Tu te moque de moi gamin ?

- Qui c’est que t’appelle “gamin” Popeye ?  Laisse-nous entrer et on te les payera tes 0.35 livres ! Tiens on t'achètera même une jolie sucette à te foutre dans le- Qu’est-ce que tu matte toi ?

Un homme était apparu à côté de Thomas. Grand et sombre personnage, il semblait s’être matérialisé de la pénombre de la nuit. Le jeune homme se retourna vers lui et laissa échapper un soupir d’admiration. Il ne savait pas ce qu’il y avait chez cet homme mais ce dernier semblait incarner toute la puissance mystérieuse du cirque. Comme pour la lumière, sa présence seule semblait doucement effacer celle des autres.

- M. Todd, monsieur… Ne vous dérangez pas. Je m’en occupe.

- Occupez-vous plutôt des clients. ordonna l’homme sans hausser le ton, l’autre s'exécuta immédiatement.

- M.Todd hein ? C’est toi l’big boss ? 0.35 livres, tu m’étonnes ! Il est fait en cheveux de vierges ton costard ?

- Intéressant. souffla doucement le chef de l’établissement. Il ne répondit pas mais se tourna tout de même vers Jeffrey, un semblant de sourire aux lèvres. Vous avez l’air d’être le chef. Dites-moi, seriez-vous intéressé par un… contrat ? Et du néant une fois de plus, il sembla faire apparaître un long parchemin remplie d’une écriture soignée.
Le prenant entre ses doigts blancs, Jeffrey le parcourra de son regard écarlate. Quelque chose sembla l’intéresser car il se pencha un peu plus pour mieux lire. Puis, il releva la tête et échangea un sourire et un regard complice avec l’homme en noir.

- Z’avez un stylo, Maitre Todd ? Tommy amène-toi.

Thomas s’amena et prit le stylo qu’on lui tendit. Jeffrey posa devant lui le parchemin et pointa la ligne qu’il était sensé signer. Mais le regard de Thomas se perdit un instant vers les nombreux mots inscrit sur le papier et le cachet de cire rougeoyant qui ressemblait étrangement à une tâche de sang. Jeffrey lui donna une tape sur la tête pour le rappeler à l’ordre.

- Te pose pas de questions p’tit Tommy. Signe. T'va voir, on va bien s’amuser.

Comment veux-tu qu'on t'appelle? : Tommy
Tu as quel âge? : 21 ans
Tu habites dans quel coin de la planète? : Paris
Qu'est-ce qui te passionne? : Dormir, Manger, RP, Dessiner, Regarder des films/séries et dormir.
Un mot pour te décrire serait... : Dodo
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Comment as-tu connu The Dark Circus? : Partenariat avec Hannibal RPG

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Andrew Garfield : Thomas Daventry [i]alias[/i] P'tit Tommy